Joëlle et Chantal: deux mamans comblées!

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Les familles homoparentales font de plus en plus partie du paysage familial au Québec. Mais quels sont les défis liés à l'homoparentalité? Sont-ils différents de ceux des familles hétéroparentales? Pour mieux comprendre cette dynamique familiale en croissance, Aidersonenfant.com s’est entretenu avec Joëlle et Chantal, deux mamans qui partagent les mêmes valeurs que bien d’autres parents: le bonheur de voir grandir leurs enfants!

C’est en ce beau début d’automne que j’ai eu la chance de faire un brin de jasette avec Joëlle et Chantal, mamans de Rafaëlle, 6 ans et Philippe, 3 ans. En accord avec la tendance à la hausse, les deux mamans font partie de ceux et celles qui ont choisi d’avoir des enfants; le nombre de familles homoparentales ayant plus que doublé depuis 2006 au Québec, passant de 975 à 2 175, soit une hausse de 123,1%.

Source: Recensement du Canada (2016).

Une belle rencontre

C’est via un site de rencontre que Joëlle et Chantal ont fait connaissance il y a de ça maintenant un peu plus de 9 ans. «C’est moi qui ai fait les premiers pas», raconte Joëlle. «On a discuté un peu et on s’est donné rendez-vous dans un bar pour jouer au billard. À partir de là, on s’est revues quelques fois et ça a bien cliqué», conclut-elle.

Pour elle, avoir des enfants était impératif, mais pour Chantal, bien établir la relation avant de fonder une famille était primordial. «Moi, je voulais qu’on ait une relation établie en habitant ensemble. C’est pour cette raison que je n’en ai pas discuté trop rapidement. J’ai toujours voulu avoir des enfants, mais pas avant l’âge de 35 ans.»

Clinique de fertilité: le bonheur de devenir maman

Si certains couples homosexuels optent pour l’adoption, Joëlle et Chantal ont quant à elles fait appel aux services d’une clinique de fertilité. Chantal étant alors âgée de 34 ans le couple a décidé que c’est elle qui porterait le premier enfant; 9 mois plus tard, la petite Rafaëlle venait au monde au grand bonheur des deux mamans! Trois ans plus tard, le couple a décidé de mettre un deuxième enfant au monde. Après quelques essais infructueux avec Joëlle, c’est finalement Chantal qui a donné naissance à Philippe, un beau garçon en parfaite santé!

Chantal explique: «Quand on fait appel à une clinique de fertilité, le gouvernement nous paie 9 essais chacune. Ceci couvre les honoraires du médecin et de la clinique, mais il nous faut quand même payer nous-mêmes pour le sperme. Au Québec, c’est environ 700$ à 800$. C’est important au début d’un tel projet de déterminer tout de suite notre budget et le nombre d’essais qu’on est prêt.e à faire.» Après neuf essais infructueux, les futurs parents se font proposer la fécondation in vitro (FIV), une avenue que ne voulaient pas prendre Joëlle et Chantal.

Pour moi, ça ne change rien que ça soit moi ou elle qui les ai portés. Honnêtement, les enfants ne sont pas moins mes enfants pour autant.

— Joëlle

Des préjugés? Quels préjugés?

Quand je demande aux deux mamans quelle est la nature des plus grands préjugés à leur endroit, les deux jeunes femmes sont unanimes. «Pour vrai, on n’a jamais eu de préjugés. On n’a jamais eu aucun commentaire désobligeant à notre égard ou du moins pas devant nous, même dans notre entourage, entre les amis ça s’est vraiment bien passé», affirme (Joëlle). Chantal ajoute: «Hier on tondait le gazon et  les gens qui marchent dans la rue ne sont pas fous, ils voient une fille qui pousse une tondeuse et l’autre qui passe le râteau, mais personne ne nous regarde bizarrement. Peut-être qu’ils en parlent un peu plus loin, mais on n’a jamais été victimes de jugement.»

Le nombre grandissant de familles homoparentales peut être vu comme le signe d’une plus grande acceptation sociale de l’homosexualité et, par conséquent, d’une plus grande aisance pour les couples de même sexe à déclarer leur situation conjugale. (Québec, ministère de la Famille, 2015)

La charge mentale: trouver l’équilibre

Aller chercher l’enfant à l’école ou l’emmener chez le médecin ou le dentiste, faire faire les devoirs, etc. la charge mentale est de façon générale plus importante pour la maman au sein des familles hétéroparentales. Quant à Chantal et Joëlle, elles ont su trouver l’équilibre avec le temps, respectant les intérêts et les forces de chacune. Chantal explique: «Comme c’est moi qui ai porté les enfants, après la maternité j’avais plus de temps et la charge mentale était tombée sur mes épaules à 90%. C’était correct. C’est moi qui avais la charge du lavage, la charge des repas. etc.» Elle nuance: «Maintenant, Joëlle fait beaucoup plus de lavage et de pliage que moi et elle s’occupe des devoirs. Pour moi, c’est plus à l’extérieur de la maison que ça se passe. La charge mentale est passée de 90/10 à pas mal 50/50.» Elle ajoute: «Les gens veulent toujours savoir qui porte la culotte, bien dans notre couple, c’est moi! C’est moi qui prends l’initiative des décisions, c’est moi qui pars des projets. Par contre à mon âge, je ne peux plus jouer par terre assise les jambes croisées et faire parler une Barbie ne m’intéresse pas trop. Par contre, Joëlle est avec Philippe tous les matins et elle joue beaucoup avec les enfants, ça s’équilibre.»

Avoir deux mamans

La famille nucléaire traditionnelle telle que nous la connaissons est souvent composée d’un papa et d’une maman, alors comment expliquer à son enfant qu’il a deux mamans? Chantal réfléchit tout haut: «Je me rends compte qu’on ne leur a jamais demandé ce que ça leur fait quand ils voient que leurs ami.e.s ont un papa et une maman et ils n’en ont jamais parlé non plus.» Joëlle poursuit: «C’est sa vie (à Rafaëlle, 6 ans) son quotidien, c’est sa normalité: il y a des familles qui ont deux mamans, d’autres qui ont deux papas, certaines qui ont une maman et un papa, et d’autres encore qui ont juste une maman ou un papa et c’est correct. Pour elle c’est comme dire que le gazon il est vert.»

Les enfants de mes ami.e.s aimeraient aussi avoir deux mamans. Quand je leur dis que pour avoir deux mamans, il faudrait que «je t’enlève ton papa», ils changent d’idée!

— Chantal

Modèles masculins absents. Vraiment?

Un des points souvent relevés quant aux familles homoparentales composées de deux mamans c’est le fait que l’enfant soit privé d’un modèle masculin significatif. Certains s’inquiètent des effets négatifs que ceci peut avoir sur le développement des enfants et des petits garçons en particulier.

Pourtant, les recherches sont unanimes: Aucune différence significative n’a été trouvée entre les enfants vivant dans les familles homoparentales et ceux vivant dans les familles hétéroparentales au chapitre du développement sexuel, émotionnel, social ou cognitif. Le développement de ces enfants est comparable. Il en est de même pour la santé mentale et les compétences parentales des mères lesbiennes divorcées et des mères hétérosexuelles divorcées. (Bos, van Balen et van den Boom, 2005)

Joëlle explique: «Des figures paternelles, Philippe en a plein! Des amis, son oncle, des grands-papas, des amis à l’école, il n’est pas en manque de testostérone!» Elle ajoute: «C’est intéressant de voir à quel point le fait d’être un garçon se passe dans l’âme. Philippe est très superhéros, dinosaures, outils. On ne lui a jamais montré à jouer avec ses bonhommes pourtant c’est ce qu’il fait. On est dans un environnement féminin, ce n’est pas nous qui lui avons montré ça.»

Pour le meilleur et pour l'amour

Depuis 2002, au Québec, les couples de même sexe peuvent s’unir civilement. Pour Joëlle et Chantal, se marier est une décision d’amour et de raison. Le grand jour devait avoir lieu cette année, mais avec la pandémie, les amoureuses ont décidé d’attendre à l’an prochain afin d’avoir tout leur monde avec elles. Chantal admet: «C’est moi qui ai poussé pour qu’on se marie, en fait, ce que je voulais c’est une demande en mariage. J’ai rencontré la personne avec qui je veux faire toute ma vie. Je suis en mode protecteur de mon cocon et de notre patrimoine familial. Je me suis dit que s’il arrivait quelque chose à l’une de nous deux l’autre devait être protégée.» Et les futures mariées veulent faire les choses en grand! «Ce ne sera pas un mariage standard, mais ça va être un mariage typique et nous porterons toutes les deux une robe blanche», se réjouit Joëlle.

Depuis 2002, la loi permet à chaque partenaire d’un couple de même sexe de figurer à l’acte de naissance de l’enfant. Ce faisant, chaque parent obtient le statut légal de parent, au même titre que les partenaires de couples hétérosexuels. La filiation entre l’enfant et les deux parents de même sexe est ainsi reconnue. (Lavoie et côté, 2018)

Différentes, mais pareilles

Familles hétéroparentales, monoparentales ou homoparentales; nous vivons à une époque où tous les types de familles sont représentés. Fait à souligner, les enfants issus de familles aimantes, peu importe leur forme, sont tributaires de la qualité du lien entre les deux parents.

Aussi, une étude américaine effectuée auprès d’enfants de mères lesbiennes, de couples hétérosexuels et de mères célibataires hétérosexuelles affirme que ni la structure familiale ni l’homosexualité des parents n’auraient d’influence sur le développement psychologique et le bienêtre des enfants. C’est la qualité du lien conjugal et parental qui importe. (Chan et ses collaborateurs 1998)

Même si les modèles sont différents, ce qu’on en commun ces familles c’est le souci d’offrir à leurs enfants une vie pleine et épanouissante tout en faisant face aux aléas du quotidien. Joëlle conclut: «Nous, on dit qu’on est deux parents qui élèvent deux enfants. On a deux boulots, on court après notre temps comme tous les parents, mais on y arrive!»

— Dernière mise à jour: 2 novembre 2021

Biographie

Rédactrice en chef

Journaliste à la recherche depuis plus de 15 ans, Danielle Dutrisac a travaillé pour plusieurs grands médias du Québec (Québecor publications, Radio-Canada, TVA, V Télé, 98,5 ). Curieuse de nature, son parcours l’a menée à explorer plusieurs avenues qui ont nourri son sens de l’aventure et son appétit pour ce qui la passionne: l’humain. Poser des questions, écouter, comprendre et transmettre le message, voilà ce qui nourrit le quotidien de celle qui a fait des études en adaptation scolaire à l’université. Bienveillante et attentionnée, la journaliste n’a qu’un seul objectif: aider les autres à mieux vivre. Crédit photo: Marili Clark

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