La musicothérapie au service de l’enfant: une spécialiste nous dit tout!

13 à 13 ans
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La musicothérapie, vous connaissez? Qui n’a pas déjà entendu parler de cette approche thérapeutique? Mais la thérapie par la musique donne-t-elle des résultats auprès d’enfants qui présentent un trouble du spectre de l’autisme, qui ont reçu un diagnostic de TDA/H ou qui souffrent d’anxiété, par exemple? Phénomène encore méconnu, les nombreuses recherches ont démontré que la musicothérapie peut devenir un allié positif auprès d'enfants et d’adolescents aux prises avec des enjeux de santé mentale, physiques ou qui rencontrent certains défis en lien avec les apprentissages. Entrevue avec Nathalie Leroux, musicothérapeute.

C’est par le biais de notre page Facebook que Nathalie Leroux s’est adressée à nous afin de savoir si nous avions pensé à «partager» sur les bienfaits de la musicothérapie.

Depuis sa création en 2016, le portail Aidersonenfant.com a traité des centaines de sujets allant de l’intimidation, aux caprices alimentaires, à l’éducation à la sexualité, au goût de la lecture, etc.

Toujours soucieux d’offrir aux parents des outils qui les aideront à accompagner leur enfant dans son développement psychologique, social et scolaire, nous avons donc cru important d’aborder le sujet de la musicothérapie.

«Le seul prérequis pour bénéficier des bienfaits de la musicothérapie, c’est d’avoir un intérêt pour la musique et moi, je n’ai jamais vu un enfant qui n’en avait pas.»

Nathalie Leroux, musicothérapeute

C’est ce qu’affirme d’emblée Nathalie Leroux, musicothérapeute qui a complété un baccalauréat en musicothérapie en 1993. Parce qu’on ne s’improvise pas musicothérapeute. Au Canada et aux États-Unis entre autres, le ou la musicothérapeute détient une formation de niveau universitaire en musique et en thérapie. «Quand j’ai fait ma formation, c’était le baccalauréat qui était exigé, mais maintenant il faut obtenir une maîtrise pour avoir droit au titre de musicothérapeute.»

Celle qui a aussi participé à la mise sur pied d’un programme de musicothérapie en pédiatrie sociale et qui travaille depuis plus de 25 ans avec des jeunes présentant un trouble du spectre de l’autisme ajoute: «La formation nous demande d’être tout d’abord musicien.ne. Tout au long du cursus scolaire, on nous montre comment utiliser la musique dans un contexte thérapeutique, mais on a aussi des cours de psychologie et d’intervention», précise celle qui fait partie des services professionnels offerts à l’école Saint-Étienne à Montréal depuis 29 ans.

Il n’est pas nécessaire d’avoir une compétence musicale pour bénéficier de la musicothérapie.

— Nathalie Leroux

Comment ça se passe exactement?

L’improvisation, la composition, le chant, etc., il existe une multitude de façons de pratiquer la musicothérapie, mais comment se passe une consultation type? La façon de procéder est variable selon les besoins de chaque enfant, mais en général, la session d’une durée de 30 minutes à 1 heure est divisée en trois parties: l’introduction, la portion dite «thérapeutique» et la conclusion.

Comme tout autre type de thérapie, l’enfant et l’intervenant.e doivent tisser un lien de confiance, un espace où l’enfant se sent à l’aise et accueilli. «On a toujours une structure de début et de fin pour arriver à situer l’enfant.

Au début d’une session, si je travaille avec la guitare, par exemple, l’enfant va jouer avec moi. Je vais faire les accords et l’enfant va gratter les cordes. On fait un travail d’équipe. L’idée c’est que l’enfant rentre d’abord en relation avec la musique et non avec moi.»

Les besoins de son enfant: faire le bon choix

Les buts visés par la musicothérapie peuvent être multiples et sont adaptés aux besoins de l’enfant. Il est donc important pour le parent de poser les bonnes questions quand il ou elle est à la recherche d’un.e musicothérapeute.

Voici des exemples de questions à poser.

Cibler le type d’activité du musicothérapeute: 
S’agit-il d’un atelier de musique ou de musicothérapie?

S’informer sur les groupes d’âge avec lesquels il ou elle a l’habitude de travailler: 
Avez-vous l’habitude de travailler avec les enfants?

Poser des questions sur son expertise:
Avez-vous l’expertise nécessaire pour traiter la dysphasie, le trouble du spectre de l’autisme, l’anxiété, etc.?

Si vous recherchez de l’aide pour votre enfant qui souffre de l’anxiété, par exemple, vous pouvez aborder la question de cette façon:

  • Mon enfant fait beaucoup d’anxiété et je sais qu’il aime la musique.
  • Pensez-vous que la musicothérapie peut aider à apaiser son anxiété?
  • De quelle façon pouvez-vous l’aider?

Bref, il faut vérifier si vos besoins et ceux de votre enfant font partie de son champ de compétence.

Trouble du spectre de l’autisme

Bien que le champs d’expertise de Nathalie Leroux soit vaste (elle travaille depuis plusieurs années avec une clientèle qui n’est généralement pas beaucoup exposée à la musique (TDA/H, douance, trouble anxieux, trouble de langage, dysphasie, déficience intellectuelle, etc.) elle travaille essentiellement avec des jeunes qui présentent un trouble du spectre de l’autisme (TSA). «Je travaille beaucoup avec le support de la musique pour favoriser l’inclusion des élèves réguliers et des élèves TSA. Avec les enfants pour qui c’est difficile de communiquer avec des mots, on travaille beaucoup la réciprocité et l’échange avec la musique. Celle-ci remplace les mots et devient une intermédiaire qui facilite l’interaction.»

Nathalie Leroux et Élisabeth

Les enfants TSA sont parfois hypersensibles aux sons, mais ceci n’est pas un obstacle à la musicothérapie. «Un enfant qui a une hypersensibilité musicale ne va pas nécessairement mal réagir à la musicothérapie. J’ai beaucoup d’enfants qui ont de l’hypersensibilité auditive et qui retirent leurs coquilles en musicothérapie parce qu’ils se sentent en sécurité et confiants», affirme celle qui s’est récemment engagée dans le projet OSMose de l’OSM, qui donne accès à la musique symphonique à des élèves TSA du niveau primaire. Elle ajoute: «On peut utiliser le chant, l’improvisation ou la composition. Avec des jeunes un petit peu plus vieux, on peut travailler à mettre des paroles sur une musique pour essayer de les aider à exprimer ce qu’ils n’osent pas toujours exprimer avec le parent ou avec l’intervenant de l’école. Cette technique est souvent associée au mouvement et au rythme corporel.»

Si on dit que la musique est un langage universel, pour les jeunes présentant un trouble du spectre de l’autisme elle devient une source de motivation et de plaisir et leur permet également, tout comme chez les enfants présentant un TDAH, de l’anxiété, etc., de réguler leurs émotions afin de les rendre disponibles aux apprentissages.

Je croyais que ma fille n’avait pas accès au bonheur, mais depuis qu’elle fait de la musicothérapie, je sais qu’elle est heureuse.

— Julie, maman d’Élisabeth , 6 ans

Anxiété et TDA/H: quand la musicothérapie contribue au bien-être

La pandémie a gravement miné la santé mentale des jeunes Québécois. Près d’un jeune de 12 à 25 ans sur deux (48%) affirme avoir des symptômes compatibles avec un trouble d’anxiété généralisée ou une dépression majeure, révèle une récente enquête sur la santé psychologique des jeunes menée à l’Université de Sherbrooke (2021).

Aussi, une récente étude de la Fondation Jeunes en Tête démontre qu’actuellement, plus du tiers (37,3 %) des adolescents se situent à un niveau élevé de détresse psychologique. Alors comment la musicothérapie peut-elle aider ces jeunes?

«Si je travaille l’anxiété avec un jeune, par exemple, il commence par me raconter un événement qui a généré beaucoup d’anxiété chez lui. On sélectionne une ou deux phrases que l’on met par la suite en musique. Le jeune a l’impression de transférer et de vider ça (son anxiété). Parfois ça peut être juste de le canaliser et c’est fini. Ça dépend vraiment d’un enfant à l’autre. Le jeu que l’on poursuit une fois qu’il est disponible lui donne confiance, ça le valorise et ça lui donne des outils pour après quand il sera confronté de nouveau à l’anxiété. Avec la musique, on travaille beaucoup la réciprocité et l’échange.»

Des études indiquent que l’utilisation judicieuse de la musique tend à diminuer le niveau de stress et à renforcer le système immunitaire. Cette hormone (l’endorphine) est liée à la sensation de plaisir et contrecarre les effets du stress. Ce phénomène devient un atout quand on l’applique à des enfants qui vivent des situations de stress ou qui ont des problèmes de santé.

TAYLOR, D.B. Biomedical Foundations of Music as Therapy. St-Louis : MMB- Music Inc., 1997. p. 108.

Pour les enfants ayant un diagnostic de TDA/H par exemple, Nathalie Leroux mise sur le fait que la musique est très structurante et cadrante. La thérapeute va donner la consigne à l’enfant qu’il ou elle n’a pas le droit de parler tant que la musique joue. Il doit être patient et se concentrer pour respecter la consigne jusqu’au bout. «L’enfant fait un choix et il doit le respecter jusqu’à la fin. Le jeune assume son choix pendant toute la durée de la pièce musicale. S’il y a de la frustration, on va aller travailler l’émotion que ça génère.»

Comment soutenir son enfant à la maison?

Le parent ne peut pas faire de la musicothérapie comme telle à la maison, mais il peut se servir d’outils qui relèvent de cette approche. Nathalie explique: «Par exemple, le matin quand il est temps pour l’enfant de s’habiller, on peut mettre une chanson et le mettre au défi de terminer avant que la pièce se termine. Mais moi, je préfère quand c’est le parent qui invente une chanson parce qu’il crée un lien avec son enfant et il peut moduler la vitesse de sa pièce selon ce qu’il attend. Ça peut tout simplement être tu t’habilles, tu t’habilles, sur un air inventé. On n’est pas obligé d’avoir une discothèque dans notre tête. Improviser pour que l’enfant comprenne que son défi c’est de s’habiller avant que ma chanson soit finie.»

Pour les ados, le parent qui s’intéresse aux goûts musicaux de son jeune entre en relation avec lui et c’est une excellente façon d’ouvrir la communication, selon Nathalie Leroux. Elle donne un exemple: «Il me semble que si tu mettais ta musique, ça t’aiderait à faire un bon ménage!», peut-on leur suggérer.

Souvent les parents vont dire qu’ils chantent mal. On s’en fout de ça, ce n’est pas important. Ce qui compte c’est vraiment d’entrer en relation musicalement avec son jeune ou son enfant.

— Nathalie Leroux

La performance n’a pas sa place

La musicothérapie est offerte aux enfants en milieu hospitalier, scolaire et professionnel en privé, mais comment savoir si c’est la bonne approche pour mon enfant? «Il faut d’abord que l’enfant démontre un intérêt pour la musique ou pour un instrument, après c’est de trouver la bonne personne qui va pouvoir répondre au besoin de l’enfant.» Mais la professionnelle insiste. «La musicothérapie c’est sérieux, ce n’est pas seulement de gratter sa guitare au bout de la table.»

Nous vivons dans une société de performance où chaque action est dictée par le désir de devenir meilleur.re, mais la musicothérapie va à l’encontre de ce principe. «Notre but principal est de faire avancer l’enfant dans son développement, donc ce n’est pas la performance qui importe. La musique est au service du développement de l’enfant et non l’enfant au service de la musique.»

À retenir

  • La musicothérapie est une approche thérapeutique sérieuse et ne s'improvise pas musicothérapeute qui veut.
  • S’informer sur la personne que l’on approche; poser les bonnes questions.
  • Il faut oser essayer et se donner le doit de cesser si ça ne fonctionne pas pour soi ou pour son enfant.
  • La musicothérapie peut soigner l’aspect physique, moteur, cognitif et affectif du jeune.
  • Le prix d’une consultation en musicothérapie en privé se situe entre 40 $ et 80 $.
  • Certaines écoles offrent ce service professionnel.

Voici quelques défis qui peuvent être traités en musicothérapie

  • Dysphasie
  • Dyslexie
  • Trouble du spectre de l’autisme
  • Difficultés de comportement
  • Déficience visuelle
  • Déficit auditif
  • Agressions
  • Négligence, violence psychologique, physique et sexuelle
  • Déficience intellectuelle
  • Handicaps physiques
  • Enfants hospitalisés
  • Santé mentale: anorexie, toxicomanie, troubles de comportement, soins palliatifs, TDA/H

Références

Musique, musicothérapie et développement de l’enfant, Guylaine Vaillancourt, Collection du CHU Sainte-Justine pour les parents

— Dernière mise à jour: 12 janvier 2022

Biographie

Rédactrice en chef

Journaliste à la recherche depuis plus de 15 ans, Danielle Dutrisac a travaillé pour plusieurs grands médias du Québec (Québecor publications, Radio-Canada, TVA, V Télé, 98,5 ). Curieuse de nature, son parcours l’a menée à explorer plusieurs avenues qui ont nourri son sens de l’aventure et son appétit pour ce qui la passionne: l’humain. Poser des questions, écouter, comprendre et transmettre le message, voilà ce qui nourrit le quotidien de celle qui a fait des études en adaptation scolaire à l’université. Bienveillante et attentionnée, la journaliste n’a qu’un seul objectif: aider les autres à mieux vivre. Crédit photo: Marili Clark

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