La présence attentive: une approche accessible qui fait du bien!

16 à 6 ans
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La présence attentive (méditation pleine conscience) prend de plus en plus de place à l'école, dans les entreprises et à la maison. Mais cette pratique qui a le vent dans les voiles peut laisser certains parents ou enseignant.e.s perplexes. Qu’est-ce que la présence attentive au juste? Qui peut la pratiquer et surtout, comment l’intégrer dans le quotidien des enfants, des parents et des enseignant.e.s? Pour jeter un peu de lumière sur ce phénomène grandissant, Aidersonenfant.com s’est entretenu avec Hélène Parent, enseignante et spécialiste de la présence attentive.

Les grandes entreprises, les hôpitaux, les écoles, etc., la pratique de la présence attentive (méditation pleine conscience) est partout en ce moment et on l’applique à toutes les sauces; on parle même de la cuisine en pleine conscience.

Les études sur le sujet sont nombreuses et elles démontrent en grande partie tous les bienfaits que peut avoir la pratique de la présence attentive sur les jeunes. En effet une étude a démontré une amélioration des capacités attentionnelles des élèves associée à une meilleure concentration, à une plus grande créativité et à une meilleure capacité d’autorégulation, facilitant la résolution de problèmes et la gestion du stress, ce qui peut favoriser le climat et la gestion de classe pour l’enseignant (Metz et al., 2013; Reid, 2009; White, 2010).

Depuis l’hiver 2019, l’Université du Québec à Montréal offre un programme pour former les enseignants à la présence attentive. L’Université de Sherbrooke a quant à elle instauré une formation (huit semaines) pour initier des enfants à la pleine conscience.

Aidersonenfant.com s’est entretenu avec Hélène Parent, enseignante et spécialiste de la présence attentive qui a suivi la formation de deuxième cycle au Programme court (présence attentive UQÀM) et qui la pratique depuis 2017.

Alors que nous avons les deux pieds bien ancrés dans la rentrée, la pratique de la présence attentive pourrait bien être un outil à utiliser en cette période haute en émotions tant pour les parents que pour les enseignant.e.s et les enfants.

La pleine conscience c’est d’accepter le difficile pour être capable de profiter du merveilleux.

— Hélène Parent, enseignante et spécialiste de la présence attentive

Q.: Hélène, comment définirais-tu la présence attentive (pleine conscience)?

C’est un état de conscience qui est accessible quand tu portes délibérément ton attention de façon non jugeante à la réalité extérieure et intérieure. On peut aussi utiliser les termes pleine présence ou mindfulness. Ces mots désignent tous la même chose, je dirais que c’est d’accepter le difficile pour être capable de profiter du merveilleux.

Q.: Qu’est-ce que la médiation de pleine conscience?

La méditation de pleine conscience vient du bouddhisme et a été adaptée à la sauce occidentale depuis peut-être 50 ans pour devenir une pratique laïque. Il se trouve que les enseignements ancestraux correspondent assez aux découvertes récentes en neurosciences et en psychologie cognitivo-comportementale, et ce sont ces aspects-là qui sont conservés dans nos pratiques de méditation, en plus des valeurs communes comme la bienveillance, la compassion.

Q.: Peux-tu me donner un exemple?

Par exemple, la pratique la plus connue est de porter attention à la respiration. Mais l’élément encore plus important quand on fait de la méditation pleine conscience c’est de porter attention à la façon dont tu ramènes ton attention quand les pensées voyagent. Quand je me rends compte que mon attention n’est plus sur ma respiration, est-ce que je me ramène avec gentillesse? Avec douceur? Comment je m’accueille là-dedans? C’est une pratique pour apprivoiser avec amitié nos expériences internes. C’est s’observer soi-même avec amitié.

Q.: Comment se pratique la présence attentive au quotidien?

Dans les pratiques informelles, on entend souvent manger en pleine conscience. T’es en train de manger, mais tu pratiques la pleine conscience. Tu penses à d’où viennent les aliments, qui les a cultivés, qu’est-ce que ça goûte dans ta bouche. C’est une manière d’être, une façon d’approcher les choses, de voir la vie. Ça, c’est ma compréhension en ce moment, mais avec le temps ça va changer et s’approfondir.

La pratique de la présence attentive chez les enfants âgés de 8 à 13 ans entrainerait une diminution significative des symptômes d’anxiété.

(Santangelo White, 2012; Semple, Reid et Miller, 2005; Semple et al., 2010)

Q.: Quels sont les bienfaits de cette pratique pour les enfants?

Ce que l’on apprend aux enfants avec la présence attentive c’est de ne pas juste réagir aux situations, mais d’être capable de prendre cette pause-là, de ralentir, de réfléchir, de demander de quoi ai-je besoin? pour après répondre. Des profs m’ont rapporté que certains enfants ont dit que ça marche la présence attentive parce qu’au lieu de donner un coup de poing, j’ai respiré 3 fois et je me suis dis ok, comment je me sens et j’ai pu parler au lieu de frapper!

Q.: Qu’est-ce que cette pratique peut apporter aux enseignant.e.s et aux parents?

Quand les adultes s’accompagnent eux-mêmes en pleine conscience ils sont beaucoup plus disponibles aux enfants et à leur laisser cette place-là. On entre alors moins dans des relations de pouvoir.

Q.: Combien de temps faut-il méditer pour profiter des bienfaits?

Faut que ce soit adapté à la personne. Premièrement, il faut que tu aies envie de méditer, parce que c’est jamais il faut méditer. C’est soit que tu en as besoin ou que tu en as envie, ce n’est jamais une obligation. La régularité est plus importante que la durée. Tu peux méditer une minute par jour, mais si tu le fais tous les jours ça va s’intégrer dans ton rituel. Juste de te concentrer sur l’odeur du savon quand tu te laves les mains ça emmène cette qualité de présence dans plein d’autres choses. Pour commencer, je dirais, choisissez une action que vous aimez faire, faites-la en pleine conscience et voyez…

Q.: Quel serait, pour les parents et les enseignant.e.s, l’environnement idéal pour pratiquer la présence attentive?

Il faut se mettre des conditions gagnantes: avoir un environnement qui nous fait du bien, peut-être avoir un accompagnement qui nous fait du bien parce que méditer seul si t’as jamais fait ça, ça prend au moins des guidances audio ou quelqu’un qui te parle de sa propre pratique et qui te propose une façon de faire.

Donc ça prend un endroit pour la pratique, ça prend un accompagnement, et après, ton rythme, je pense que tu le trouves. La médiation c’est aussi de s’écouter et d’être conscient. Si je manque une médiation en pleine conscience, exemple, je décide de ne pas méditer, je le fais en pleine conscience et en évitant le jugement.

La présence attentive n’est pas quelque chose à atteindre, c’est quelque chose qui va émerger parce que c’est déjà là. — Hélène Parent

Q.: De plus en plus d’écoles font méditer les enfants, en quoi cette pratique peut-elle être bénéfique dans un contexte scolaire?

Il faut y aller avec la recherche. Il a été prouvé que ça améliore la capacité d’attention, la capacité à se mettre à la place de l’autre (s’il y a des pratiques de la compassion). La pratique de la présence attentive améliore également les relations entre les élèves (relations prosociales) et favorise les interactions positives entre eux et l’enseignant.e.

En général quand l’enseignant médite avec les enfants ça crée un climat de classe agréable (soutenue par d’autres pratiques, la méditation seule ne suffit pas) et amène de meilleurs résultats parce que les enfants sont plus motivés.

Q.: En quoi la présence attentive peut-elle aider à la concentration des enfants, des parents et des enseignant.e.s?

On a des prédispositions biologiques et environnementales qui font qu’on a plus ou moins une capacité d’attention et de concentration et la pratique de la méditation de présence attentive peut aider. Peut-être pas tout le monde, peut-être pas de la même façon, mais je pense que c’est un facteur aidant, mais est-ce que c’est magique et ça va tout changer? Non.

Q.: Peut-on pratiquer la présence attentive indépendamment de notre religion?

Oui, c’est quand même une expérience spirituelle parce qu’on s’occupe de l’esprit, de l’intérieur de la personne, des relations avec les autres et avec le monde, mais c’est sûr que ce n’est pas basé sur des croyances, c’est basé sur l’expérience.

Chaque fois que quelqu’un m’a enseigné, il m’a dit ne me crois pas sur parole, fais ton expérience, va voir, ne te force pas. Alors il n’y a rien du dogme ou de la contrainte. À l’école on veut promouvoir les valeurs du vivre ensemble et du respect qui sont des valeurs universelles.

Q.: Comment emmener un enfant qui a la bougeotte à pratiquer la présence attentive?

Ne pas forcer, écouter ses besoins, voir comment la pratique peut être appliquée à lui ou à elle.

On peut lui demander, montre-moi comment tu respires et là on suit comment l’enfant respire. Il y a des enfants qui vont inventer des façons de respirer le fun et toute la classe va l’imiter ce qui va le valoriser et lui donner le goût de pratiquer.

Q.: Est-ce que la présence attentive peut être pratiquée par tous les enfants?

Oui, mais j’ai animé des séances de méditation qui rendaient certains enfants inconfortables, et il faut être très soucieux de ça. Aller voir à l’intérieur peut être très épeurant pour certains enfants. Les traumas existent tant chez les adultes que chez les enfants. Certains chercheurs recommandent d’éviter certaines pratiques pour les enfants souffrant de troubles panique.  Il faut ajuster selon les besoins de nos enfants, offrir des options.

Q.: Comment doit-on s’y prendre pour initier les enfants à la présence attentive?

Premièrement, il ne faut jamais forcer un enfant à méditer ou à pratiquer la pleine conscience. J’ai eu des enfants qui se promenaient, qui allaient au coin lecture regarder un livre. On ne force pas à fermer les yeux, mais on dit à l’enfant de ne pas déranger les autres qui sont dans leur bulle. Notre bulle c’est notre plus grande liberté, on n’est pas obligé d’écouter la personne qui nous dit de respirer, on fait ce qu’on veut, on respire si on veut, on vit cette expérience-là si on veut, mais si ça fait «non» en dedans, on ne la fait pas, c’est important de dire ça aux enfants.

Q.: Doit-on rester immobile pour faire un exercice en présence attentive ou peut-on être actif?

On peut méditer de façon formelle en étant assis, le dos droit et les mains appuyées sur les genoux ou on peut pratiquer la présence attentive en étant en action. Moi, je médite très souvent dans la file d’attente à l’épicerie ou quand je fais du jogging. Mais ça reste un choix. Ce qu’il faut retenir c’est que la présence attentive n’est pas quelque chose que tu vas atteindre, c’est quelque chose que tu vas laisser émerger parce que c’est déjà là. Tout le monde peut la pratiquer!

À retenir

  • La présence attentive (médiation de pleine conscience) est un état de conscience qui est accessible lorsque nous portons délibérément notre attention de façon non jugeante à la réalité extérieure et intérieure.
  • La présence attentive doit se faire sur une base volontaire; il ne faut jamais forcer qui que ce soit à méditer.
  • Les adultes qui s'accompagnent eux-mêmes en pleine conscience sont beaucoup plus disponibles aux enfants et ils entrent moins dans des relations de pouvoir.
  • Nous pouvons méditer de façon formelle en étant assis, le dos droit et les mains appuyés sur les genoux ou nous pouvons pratiquer la présence attentive en étant en action.

— Dernière mise à jour: 24 août 2023

Biographie

Rédactrice en chef

Journaliste à la recherche depuis plus de 15 ans, Danielle Dutrisac a travaillé pour plusieurs grands médias du Québec (Québecor publications, Radio-Canada, TVA, V Télé, 98,5 ). Curieuse de nature, son parcours l’a menée à explorer plusieurs avenues qui ont nourri son sens de l’aventure et son appétit pour ce qui la passionne: l’humain. Poser des questions, écouter, comprendre et transmettre le message, voilà ce qui nourrit le quotidien de celle qui a fait des études en adaptation scolaire à l’université. Bienveillante et attentionnée, la journaliste n’a qu’un seul objectif: aider les autres à mieux vivre. Crédit photo: Marili Clark

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