La vie après le départ de papa

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Rien ne peut préparer une famille à la mort soudaine d’un des deux parents. La résilience provient bien souvent de la volonté à voir s’épanouir ses enfants, malgré le deuil, comme en témoigne cette jeune mère de famille.

C’est par un matin chaud et ensoleillé d’avril que, pour notre petit cocon familial doux et douillet, la terre a arrêté de tourner drastiquement.

C’est par ce beau matin parfait qui annonçait une superbe journée que j’ai reçu l’appel d’une policière du SPVM pour m’annoncer que mon conjoint, le complice de ma vie, mon meilleur ami, la force tranquille de la famille et le père de mes deux fabuleux enfants, s’était affalé, inconscient, en faisant son jogging dans un parc de Montréal, à deux coins de rues de son travail, alors que je préparais tranquillement les enfants pour la garderie.

L’adrénaline embarque, j’appelle mon père pour venir garder les enfants, j’appelle leur marraine pour m’accompagner – parce que seule, je serais de toute évidence un danger public sur la route.

J’arrive à l’hôpital et avant même qu’on me dise quoi que ce soit, je le sais… Les ambulanciers me regardent avec désarroi. C’est comme dans un film que tu regardes en te disant que, de toute façon, ça n’arrive qu’aux autres. Ce matin-là, c’était moi, les autres… Le médecin m’annonce le décès de l’homme de ma vie à la suite d’un arrêt cardiaque. Et mes deux jambes lâchent, carrément.

Ma première pensée : les enfants. Mes enfants n’ont plus de père.

Cet homme impliqué et généreux, ce papa extraordinaire n’aura plus le bonheur de voir grandir et s’épanouir sa plus grande fierté : ses enfants.

Mais attendez une minute! S’épanouir? Aurai-je la force et la capacité de les accompagner adéquatement afin qu’ils s’épanouissent dans la vie? Malgré leur deuil, le mien et le manque de la présence paternelle?

Le cœur brisé, je reviens de l’hôpital et mon rôle de tenir ma famille au bout de mes deux petits bras frêles commence déjà. Je dois annoncer à ma grande de cinq ans et mon petit de trois ans et demi que papa se trouve maintenant parmi les étoiles.

Pour être honnête avec vous, je ne me rappelle plus du tout comment j’ai annoncé tout ça aux enfants. Je me rappelle seulement que je suis arrivée chez moi sur le pilote automatique, la mort dans l’âme, que j’ai regardé mes enfants jouer dans la cour. Je me suis assise à la balançoire et j’ai répondu à la question : où est papa? Mais ce que j’ai dit exactement? Aucune idée. Il semblerait que j’ai trouvé les mots justes et que c’était parfait. Est-ce que ça pouvait vraiment être parfait?

Ma grande s’est assise à cheval sur moi et elle s’est collée… FORT! Elle est restée là un bon 45 minutes. Elle ne pleurait pas et ne parlait pas. Elle s’est levée sans dire un mot et s’est balancée seule, les yeux dans le vide pendant une éternité. Mon petit a fait comme si la vie reprenait son cours normal. C’est quelques semaines plus tard qu’il a réalisé que papa… il ne revenait pas.

Bien vite, j’ai choisi que j’allais faire honneur à cet homme merveilleux avec qui j’ai eu la chance de partager 13 années de pur bonheur. Nous avions choisi de fonder une famille sachant tous deux que nous serions de bons parents, alors je me devais de remplir ce rôle avec tout mon cœur, toute ma force et toute l’énergie que je pouvais y consacrer. Et Dieu sait à quel point ça en prend, de l’énergie!

Mes deux petits bras frêles se sont musclés avec le temps. Certes, ils ont leurs faiblesses par moments, mais quand je regarde mes deux petits amours, ils se redressent.

Élever seule deux enfants qui vivront la perte de leur père dans leur petit cœur toute leur vie, c’est épeurant. Ça prend de l’implication, de la force, de l’organisation, de la patience, un bon entourage et de la compréhension.

Mais ça prend surtout de l’indulgence envers soi-même. Je suis une personne à part entière qui vit des émotions fortes depuis deux ans et demi et je me dois d’accepter que les moments de faiblesse sont normaux. Que c’est correct si les enfants sont conscients, jusqu’à un certain point, de ma peine. Ça leur fait comprendre que la leur est normale. Les moments de ressourcement sont nécessaires et, surtout, il faut savoir reconnaître les petits moments de bonheur autour de soi. Il faut se les approprier et les savourer parce que, malgré tout, il y en a. Il faut se donner le droit…

Parler de leur papa est l’un de ces petits moments de bonheur. Leur rappeler comment il était drôle, leur expliquer à quel point il les aimait et les aime toujours, où qu’il soit. Qu’il veille sur eux et qu’ils peuvent lui parler en tout temps. Parce que vient un moment où l’on accepte de se concentrer sur ce qu’on a eu plutôt que sur ce qu’on a perdu.

Pour nous, ce n’est pas un sujet tabou. Bien au contraire, c’est un sujet qui nous fait sourire avec une petite pointe de larme brillante au coin des yeux.

Alors, j’ose penser que mes enfants vont eux aussi s’épanouir et apprendre à voir ces petits bonheurs malgré les tempêtes. Qu’ils n’ont pas besoin de chercher bien loin. Des fois, ce sont de toutes petites choses du quotidien qui sont juste devant nos yeux. Comme leur papa savait si bien le faire.

Ils méritent bien ça.

Biographie

Maman de deux enfants: Laeticia 8 ans et Émile 6 ans (qui a un déficit de l’attention avec une hyperactivité de loin supérieure à la moyenne après évaluation d’un neuropsychologue). À 27 ans, j’ai lâché mon emploi dans le domaine de l’administration pour étudier en éducation à la petite enfance; plus précisément pour des enfants à besoin particulier. À 28 ans, je suis devenue veuve et donc maman monoparentale. Après avoir essayé de concilier travail-famille avec deux enfants qui ont un besoin très important d’avoir leur maman près d’eux, j’ai décidé de rester à la maison afin de leur donner un maximum de soutien. Je poursuis donc des études en soutien pédagogique à temps partiel.

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