Le sournois TDA

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Paresse, manque de motivation ou trouble de déficit de l’attention? Sans la composante de l’hyperactivité, le TDA est souvent difficile à repérer, comme le démontre ce témoignage d’une mère d’un jeune de 15 ans.

Je ne pouvais pas concevoir que mon garçon de 15 ans serait un décrocheur ou était lâche au point de mettre en péril son année scolaire. Je sais : 15 ans. C’est pas l’âge où on est le plus vaillant. Les jeux vidéos et les amis prennent beaucoup de place. Il y a la révolte de l’adolescence. Le mien ne fera pas mieux que les autres. Je m’en doute. Mais c’est mon garçon. Je sais qu’il connaît l’importance d’aller à l’école. Pourtant, ses professeurs me disent qu’il n’écoute pas en classe, qu’il n’apporte même pas ses cahiers. Ses résultats sont en dents de scie. Faire ses devoirs semble être une option pour lui.

Le petit hamster qui occupe mon cerveau est plutôt actif. Il se disait que ça pouvait être un problème de motivation. Tout le monde le dit. L’école n’est pas faite pour les garçons. Il adore le sport. Il a 100% en éducation physique. Alors, inscrivons-le en sport-études! Le problème, c’est que l’enseignement se fait par module. Il faut pas mal d’organisation pour y arriver, mais il est tellement emballé par ce projet que l’on décide d’y aller. Il se donne un peu plus pour le reste de l’année scolaire pour avoir les notes et être accepté, et voilà! Il commence son programme sport-études avec plein de bonnes intentions.

Mais les bonnes intentions perdent du gallon assez vite. Et les retards s’accumulent. J’essaie toutes les stratégies. Je lui promets la lune, je lui enlève des privilèges, j’essaie de l’aider pour ses devoirs… Il me met en échec chaque fois.

Secrètement, je me pose des questions. Et s’il avait un TDA? Parce qu’il n’est vraiment pas hyperactif. Faire le lézard toute la journée, ce n’est pas un problème pour lui. Mais ça expliquerait ses difficultés à l’école. Et génétiquement, c’est possible, puisque son frère a déjà un diagnostic de TDAH. J’hésite à en parler. Je passe souvent pour celle qui cherche les problèmes et, honnêtement, je doute un peu. Il a toujours si bien réussi au primaire. Il n’a jamais étudié de sa vie. Ce n’est qu’en 2e secondaire qu’il a commencé à avoir plus de défis sur le plan scolaire. Je me suis dis que j’allais continuer à observer.

Un soir, j’ai rencontré son entraîneur. Il m’a annoncé qu’il avait beaucoup de retard et qu’ils allaient interrompre le sport-études le temps qu’il se reprenne un peu en main. Ouin… Ça ne s’améliore pas. Lorsque je suis allée voir mon fils dans sa chambre ce soir-là, je l’ai trouvé étendu dans son lit, les yeux pleins d’eau. On a discuté un peu. Et c’est là qu’il m’a demandé : «Maman, penses-tu que j’ai un TDA?»

Je lui ai répondu «oui» du tac au tac. Il a même été surpris par la vitesse à laquelle j’ai répondu. Je n’étais pas certaine à 100%, mais vu ses retards à l’école, on ne pouvait pas se permettre d’ignorer cette avenue.

Rencontre chez le médecin. Évaluation par un psychologue. Plusieurs heures de travail manquées et quelques milliers de dollars plus tard, le diagnostic tombe : TDA. On ne s’était donc pas trompé. C’était bien ça. Mon fils a commencé à prendre une médication, mais il devra mettre les bouchées doubles s’il veut sauver son année. Mais c’est un moindre mal. S’il n’avait pas essayé cet enseignement par module, on aurait peut-être jamais su qu’il avait un TDA. Et ses difficultés auraient persisté. Et on aurait dit de lui qu’il est un lâche qui ne veut pas travailler. Et il aurait peut-être décroché…

C’est presque épeurant. Je veux dire, si on n’avait jamais su, combien de portes se seraient refermées pour lui? Et combien de jeunes sont dans sa situation? Combien de décrocheurs n’ont juste pas eu la chance d’être évalué? Parce que, disons-le, il faut avoir de bonnes assurances ou un bon salaire pour se permettre ce genre d’évaluation. C’est très coûteux et, au public, l’attente est interminable.

Il n’y a pas autant d’ambiguité lorsque la composante hyperactivité est présente. Un enfant qui tombe de sa chaise trois fois pendant l’heure du dîner, faut vraiment vouloir jouer à l’autruche pour ne pas voir le problème. Mais le TDA, c’est sournoi, c’est invisible… même si les difficultés pour l’enfant sont bien présentes.

On me parlait récemment des méthodes compensatoires. Ces jeunes que l’on découvre sur le tard sont souvent des jeunes sans troubles d’apprentissage qui ont développé des façons de compenser. Il travaille plus fort, mais ça ne paraît pas. Donner cet effort sur une courte période de temps, c’est possible, mais à long terme, c’est plus compliqué. Tant que la matière ne demande pas trop d’étude et de concentration, ça va. Mais dès que ça se corse, c’est autre chose. Parfois, quand c’est trop facile, ce n’est pas toujours une bonne chose. Mon fils n’avait jamais appris à étudier, à développer des méthodes de travail. Il n’avait pas besoin de travailler fort pour bien réussir. Quand la matière a commencé à être un peu plus complexe, il n’a pas pu garder le rythme.

Le savoir n’arrange pas tout. Le diagnostic ne l’a pas réconcilié avec les devoirs. Mais, au moins, ça nous aide à trouver des pistes de solution. Et surtout, ça redonne un peu d’espoir. Ça lui permet de pouvoir se reconstruire une estime de soi largement écorchée par les échecs et le jugement. Je ne le laisserai pas tomber… Nous allons nous remonter les manches et essayer de dompter ce sournois TDA.

Biographie

Maman de trois enfants, Annie vit la belle et douce folie de la vie de famille, avec les hauts et les bas qu’elle apporte. Infirmière de formation, elle a pratiqué durant plusieurs années à l’hôpital Sainte-Justine avec les bébés prématurés et leur famille.  Puis, pour concilier le travail et la famille, elle a choisi de poursuivre sa carrière en CLSC avec les familles en attente d’un bébé ou ayant des enfants en bas âge. Prévention et éducation sont les défis de son quotidien, tant au travail qu’à la maison!  Elle est l’auteure du livre « TDAH, mon enfant bionique » aux Éditions Béliveau éditeur.

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