Comment favoriser l’engagement des parents réticents?

11 à 16 ans
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En tant que professionnel qui travaille auprès des enfants, vous vous êtes peut-être déjà heurté à la réticence des parents par rapport à la pertinence de la démarche entreprise. Que pouvez-vous faire pour favoriser leur engagement dans le but d’assurer le succès de vos interventions auprès de l’enfant?

Parents résistants : comment faciliter l’engagement vers le changement?

Demander de l’aide pour surmonter les défis liés à l’éducation ou à l’encadrement de son enfant n’est pas simple et cette démarche peut soulever différentes émotions, comme de la honte, de la culpabilité et de l’impuissance. De plus, l’acceptation du diagnostic de son enfant est un processus douloureux pour plusieurs parents. Pour certains, une forme de déni s’installe et des résistances se manifestent, tant dans la relation avec l’enfant qu’avec l’autre conjoint. À ce moment, plusieurs parents vivent des conflits conjugaux à cause de l’incompréhension et de l’attitude de l’autre parent ou refusent tout simplement de s’engager dans les démarches proposées pour soutenir leur enfant. Très souvent, les relations s’enveniment et peuvent même mener, dans le pire des cas, à une séparation ou un divorce. Aussi, l’enfant peut devenir opposant, ce qui engendre alors d’importantes tensions au sein de la famille.

Ainsi, il devient essentiel d’aller chercher de l’aide auprès d’un professionnel qualifié dans un environnement accueillant, bienveillant et propice au changement afin de maintenir l’équilibre familial malgré les défis que vit l’enfant.

Même s’il devient encore plus ardu de s’investir dans une démarche d’aide lorsque les parents sont séparés, avec le soutien d’un professionnel compétent et une volonté de changement, tout est possible. D’ailleurs, cet article vise à soutenir l’intervenant face aux résistances des parents, qu’ils soient unis ou séparés, car l’important demeure le bien-être de l’enfant, peu importe leur statut matrimonial.

Quelques pistes d’interventions

Voici plusieurs pistes d’intervention ou de réflexion utiles pour aider à réduire les résistances du parent afin de mieux s’engager dans une démarche de changement.

1-  Créer le lien avec le parent.  L’alliance thérapeutique est le meilleur prédicateur de changement.  Ainsi, nos attitudes professionnelles ou schèmes relationnels envers les parents (considération, empathie, respect, etc.) influenceront leur engagement dans le suivi et auront un impact direct sur le développement de l’enfant. Si l’on prend soin des parents, ceux-ci seront à leur tour beaucoup plus disponibles à prendre soin de leurs enfants. N’oubliez jamais que derrière chaque parent qui souffre se trouve un individu avec des blessures affectives dont il faut absolument tenir compte dans nos suivis.

Très souvent, les parents ont eux aussi souffert dans leur enfance et il est touchant de constater qu’ils sont parfois très ébranlés par leurs vulnérabilités. De plus, il est important de se mettre au niveau des parents afin qu’ils se sentent compris et considérés. Évitez les longs discours et les termes trop complexes dans le suivi et adoptez des mots simples pour faciliter le lien avec le parent.

Étant reconnue comme une psychoéducatrice qui se démarque par l’établissement d’un lien précieux propice au changement, j’ai toujours traité chaque parent qui se présente dans mon bureau comme une personne courageuse, résiliente et surtout bienveillante envers son enfant.

2- Éduquer.  Il est primordial d’offrir de l’enseignement ainsi que des informations pertinentes sur le diagnostic ou les difficultés de l’enfant. Un parent bien informé comprendra mieux les stratégies proposées. En matière d’éducation, comme psychoéducatrice, il m’apparait essentiel de ne pas seulement suggérer de la lecture sur la problématique, mais bien de guider le parent à travers la lecture en s’assurant de bien expliquer chaque composante. Il faut «faire avec» le parent et baser l’enseignement sur des éléments qui permettront au jeune et à ses parents de mieux accepter les défis que la vie leur propose.

Trop souvent, je reçois en entrevue des parents dévastés par des informations reçues sur Internet, par exemple sur le diagnostic de leur enfant, qui ne sont pas bien expliquées dans le contexte. De plus, un parent bien outillé sur les défis de son enfant pourra s’assurer de bien expliquer les besoins de celui-ci à la famille élargie (tantes, grands-parents). Un irritant majeur qui revient souvent en entrevue est le jugement de la famille élargie sur l’éducation de son enfant. Donc, je suis d’avis que, lorsque le parent comprend l’importance d’ajuster ses pratiques aux besoins de son enfant, il pourra fournir à ses proches des informations pertinentes qui influenceront leurs commentaires et agissements futurs.

3- Assurer une coparentalité bienveillante.  Surtout dans un contexte de séparation, il est important de demander aux deux parents de s’investir dans la démarche et de choisir le bon contexte. Il n’y a pas de bon moment pour entamer une intervention psychoéducative; par exemple, les parents peuvent être en grand conflit de séparation. Le suivi devient alors précieux, mais il faut en tout temps éviter la présence de l’enfant. Comme dit le dicton : «Parents un jour, parents toujours». Il est bien important de centrer les parents sur l’objectif principal, c’est-à-dire assurer le développement optimal de leur enfant.

Par contre, si les parents sont incapables d’être dans la même pièce sans se disputer fortement, il vaut mieux attendre que les tensions diminuent afin d’assurer l’efficacité de l’intervention. Par contre, il peut être intéressant de prendre quelques rencontres pour les faire ventiler sur leurs difficultés et émotions depuis la séparation afin de mieux se concentrer sur les défis de l’enfant par la suite. Ces rencontres doivent toutefois être balisées dans un cadre précis pour éviter les débordements et on doit s’assurer que les parents demeurent respectueux entre eux. Si les conflits de séparation persistent, il est important de diriger les parents vers un professionnel qualifié en médiation familiale.

4- Ajuster les interventions aux pères.  Il est souvent prouvé dans la littérature que les femmes sont plus enclines à aller chercher de l’aide, alors il faut être innovant pour accrocher les pères dans les suivis. Au lieu de se faire parler d’émotions, les hommes seraient plus sensibles à des interventions qui parlent de «reprendre le contrôle», selon les recherches. Apprendre à parler de façon plus masculine, c’est aussi apprendre à comprendre leurs enjeux patriarcaux. Parfois, il suffit de bouger, de prendre une pause, de s’intéresser à ce qu’ils aiment ou ce qu’ils souhaitent pour le futur de leur enfant afin de créer une alliance propice au changement. N’hésitez pas à sortir à l’extérieur ou à faire une promenade si vous sentez que l’homme devant vous mérite une pause de la rencontre.

5- Faire preuve de souplesse.  De manière générale, la demande d’aide doit être faite par les deux parents. Par contre, il arrive très souvent qu’un des parents vienne «à reculons». Ajustez-vous à leur demande. Certains professionnels refusent de déroger au cadre strict et conventionnel.

Toutefois, avec les parents et principalement les hommes qui sont réticents à aller chercher de l’aide, il faut augmenter leur motivation à s’investir dans un suivi, donc nous devons tout faire pour les maintenir engagés dans le suivi. Il peut être utile d’offrir des rencontres où l’action sera mise à l’avant-plan, par exemple à l’aide de mises en situation et de jeux de rôle qui accrochent majoritairement les parents.

6- Valoriser et reconnaître leurs forces.  Même les parents les plus dépassés possèdent des compétences. Vous devez donc les aider à les identifier et leur exprimer ce que vous observez en rencontre (calme, créativité, patience, fermeté, etc.) afin qu’ils puissent exploiter ces forces et reprendre le contrôle de la situation. De plus, rappelez-leur tous les efforts qu’ils ont mis depuis la naissance de leur enfant. Faites en sorte que l’autre conjoint soit capable d’identifier pourquoi il a choisi de devenir parent avec son compagnon.

De plus, le fait de se présenter en rencontre est déjà une belle ouverture par rapport à l’espoir et au changement. Soulignez non seulement leurs forces, mais aussi leur engagement quant au suivi au début de l’intervention.

7- Ne JAMAIS se positionner en expert.  C’est le parent qui est l’expert de SON enfant. Plutôt que d’affirmer des faits à partir de votre expertise, il peut être intéressant de vous baser sur des données probantes et sur les recherches. De plus, il faut s’assurer que le parent est en mesure de recevoir les stratégies que vous lui proposez. J’ai souvent entendu des parents me dire qu’ils étaient essoufflés de se sentir incompétents ou coupables par les moyens parfois irréalistes proposés par les professionnels. Si les parents sont fatigués et manquent de temps, évitez surtout de leur demander de faire avec leurs enfants des activités spéciales qui nécessitent beaucoup d’organisation. Optez plutôt pour des moments de qualité comme les repas ou le coucher, où le parent peut modifier ses pratiques sans s’ajouter du stress supplémentaire. Bref, proposez des moyens qui leur assureront une réussite dans leur réalité familiale.

8- Faire vivre des réussites aux parents.  Tout comme les enfants, les parents ont besoin de vivre des réussites pour accroitre leur sentiment de compétence parentale. Mettez en œuvre des stratégies qui leur assureront de petits succès au quotidien. De plus, il est intéressant d’impliquer le parent qui est plus engagé dans le suivi afin qu’il aide le parent plus réfractaire au progrès. Le renforcement positif fonctionne aussi bien avec les adultes et, souvent, je demande aux parents de souligner les progrès manifestés par l’autre parent pour maintenir l’engagement dans le suivi. Un exercice intéressant consiste à reconnaitre un bon coup chez l’autre parent une fois par jour.

9- S’intéresser aux résistances avec empathie et considération.  Il faut en tout temps que le parent ressente la sensibilité du professionnel par rapport au déséquilibre que cause l’intervention afin qu’il accepte de s’abandonner dans une démarche où il se sent compris. De plus, il ne faut pas négliger les expériences d’interventions antérieures parfois douloureuses et il m’apparait primordial de questionner les parents sur les services reçus.

Très souvent, les parents ont vécu des émotions négatives dans des démarches précédentes, donc il faut valider leurs attentes et besoins. Il ne faut pas non plus négliger le courage que nécessite une demande d’aide dans une société où la performance et l’image sont très souvent mises à l’avant-plan. Offrez aux familles un environnement où le bagage des parents ainsi que leurs émotions seront accueillis sans jugement.

10- Comprendre avec diligence les réactions de négation.  Certains parents ne veulent pas entreprendre de démarche parce qu’ils refusent de reconnaitre les difficultés de leur enfant. Laissez-leur le temps. Écoutez-les, comprenez-les, mais ne tentez surtout pas de les convaincre du diagnostic de leur enfant ni de l’essentiel d’une démarche thérapeutique. Écoutez avec votre cœur et non avec vos oreilles.

Pour moi, l’empathie est bien plus qu’une capacité à se mettre à la place de l’autre, c’est l’essence même de la relation qui s’établit avec le parent.

Reconnaitre que son enfant a un trouble quelconque nécessite un long processus avec différentes phases (choc, déni, colère, tristesse, acceptation), donc il faut être patient et indulgent. En outre, un parent qui se sent compris dès le début de la démarche acceptera plus facilement d’appliquer les stratégies suggérées par la suite.

11- Donner du pouvoir aux parents.  Il faut donner aux parents des possibilités d’influencer les décisions et la planification de l’intervention. Il faut leur laisser des choix et des options en ce qui a trait à l’éducation et l’encadrement de leur enfant. Il faut aussi prendre en considération leurs valeurs et idéologies qu’ils souhaitent prôner afin de suggérer, avec leur aide, des moyens adaptés à leur réalité familiale. Enfin, il faut questionner leurs attentes et s’engager à ce qu’ils puissent en tout temps nommer leurs insatisfactions, s’il y a lieu, en plus de retirer leur consentement lorsqu’ils le désirent.

12- Adhérer à un groupe de soutien.  Au besoin, on peut diriger les parents vers des groupes de soutien tels que PANDA, l’Association québécoise du syndrome de la Tourette, l’APED, Pères séparés, etc. Grâce à ces groupes, les parents brisent leur isolement et constatent qu’ils ne sont pas seuls à vivre des difficultés familiales. Ce genre d’expérience diminue généralement la honte ressentie par le parent en détresse et l’incite très souvent à s’engager dans une démarche approfondie. De plus, dans ces groupes, les parents créent un sentiment d’appartenance fort intéressant et développent très souvent des liens précieux avec les autres parents.

Ces pistes ont pour but de soutenir l’engagement des parents dans les suivis visant à améliorer l’atmosphère familiale, les compétences parentales et la relation parent-enfant. Évidemment, elles sont destinées aux professionnels de la santé, mais elles peuvent aussi être appliquées à différents clientèles, comme les adolescents, ainsi qu’aux parents. N’oubliez pas qu’il faut avant tout prendre soin des parents avec bienveillance afin qu’ils soient disponibles pour le développement optimal de leur enfant.

À retenir

  • L’acceptation du diagnostic de leur enfant et les conflits conjugaux peuvent être deux sources importantes des réticences des parents à demander l’aide d’un professionnel.
  • Le professionnel doit d’abord créer un lien avec les parents et leur donner de l’information pour bien démarrer la démarche.
  • Le professionnel doit faire preuve de souplesse et s’adapter à la réalité du couple, particulièrement des pères.
  • Il doit miser sur les forces des parents et leur proposer des solutions réalistes.
  • Les parents ont aussi besoin de renforcement positif et d’empathie.
  • La démarche doit laisser du pouvoir aux parents.
  • Au besoin, le professionnel peut diriger les parents vers des groupes de soutien externes.

— Dernière mise à jour: 20 février 2018

Biographie

M. Sc., Psychoéducatrice

Issue de plus de 15 ans d’expériences, Vickie Bois a œuvré dans le réseau de la santé et de l’éducation où elle a accompagné des milieux scolaires ainsi que des classes spécialisées en plus d’avoir occupé des postes en santé mentale jeunesse et en pédopsychiatrie. Ayant reçu des distinctions honorifiques élogieuses comme le prix Relève du CISSS des Laurentides et de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) ainsi que le prix Gilles Gendreau de l’Ordre des psychoéducateurs/psychoéducatrices pour ses idées innovantes, son savoir-être et sa rigueur, elle est une psychoéducatrice très reconnue et engagée. Depuis les dernières années, elle a souhaité partager son savoir et faire la différence à travers différentes conférences et formations en ligne. Son leadership, sa grande capacité à communiquer efficacement et à influencer les pratiques, font d’elle une formatrice fort appréciée et déterminante dans la mobilisation des acteurs et le changement des pratiques dans les milieux. De plus, elle est fondatrice de SOSchangement et SOSpsychoéducation où elle accompagne des familles en difficulté de la région des Laurentides, mais aussi partout au Québec. Dévouée, passionnée et rigoureuse, elle souhaite faire LA différence dans la vie des personnes en difficulté en offrant des services personnalisés aux enfants, aux adolescents et aux adultes en difficulté d’adaptation. «Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde». – Gandhi

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